À l’Albeck, une industrie en fin de chaîne

Dans ce quartier populaire de Grande-Synthe, foyer historique de la sidérurgie, les usines  n’attirent plus les jeunes. Les séduire devient un véritable défi pour les entreprises du secteur : 20 000 emplois devraient être créés dans le Dunkerquois d’ici 2030. 

« Quel métier voulez-vous faire plus tard ? ». Kenny Buxman est venu présenter Verkor, la start-up française de batteries électriques en vogue, avec sa première gigafactory qui sort déjà de terre à Bourbourg, près de Dunkerque. Mais le chargé de recrutement, parle dans le vide. En face de lui, les élèves de 3e du collège René-Bonpain de Grande-Synthe rêvent de tout, sauf de l’industrie. « Infirmière, avocat, policier, chirurgien… », répondent-ils tour à tour. Le chargé de recrutement se gratte la tête. Pourvoir 1 200 emplois d’ici 2027 ne sera pas une mince affaire. D’autant plus avec le récent plan social annoncé par le géant de l’acier ArcelorMittal : il prévoit de supprimer 636 postes en France, dont 295 sur le seul site de Grande-Synthe.

Même les huit élèves qui vivent à l’Albeck, l’un des quartiers prioritaires de Grande-Synthe, la ville de la sidérurgie sur l’eau, ne mordent pas à l’hameçon. Pourtant ici, seulement 18,8% des 15-24 ans sont en emploi, contre 35,2% au niveau national. Et l’industrie occupe une place prépondérante dans l’histoire du quartier. Au début des années 1960, ArcelorMittal, qu’ici les gens appellent toujours Usinor, s’implante à Grande-Synthe. « C’est véritablement autour de la filière sidérurgique que va se structurer le complexe industriel dunkerquois, financé massivement par l’Etat », détaille Sophie Boutillier, co-fondatrice du centre de Recherche sur l’Innovation et les Stratégies Industrielles, à l’Université du Littoral Côte d’Opale. Le besoin en main-d’œuvre était immense et de nombreux ouvriers ont afflué vers Grande-Synthe, qui n’était alors qu’un village de 1 550 habitants.

En 1962, au moment de la mise en service du premier haut fourneau, 1 200 salariés travaillaient déjà chez Usinor.  Pour les accueillir, des barres d’immeubles sont érigées dans l’Albeck, les premières de la ville nouvelle. La population de Grande-Synthe bondit et atteint plus de 13 000 habitants en 1968. C’est ici que s’installent les deux grands-pères d’Achraf Dabach, Grand-Synthois de 23 ans. « Ils travaillaient d’abord dans les mines du côté de Lens, explique le jeune homme aux cheveux noirs frisés et à la barbe fournie. Quand elles ont commencé à fermer, ils ont été démarchés par Usinor pour venir bosser ici. » De ce qu’ils lui ont dit, Achraf a retenu « la fierté d’entrer chez Usinor à l’époque » parce que « c’était la grosse entreprise du coin et tu avais la possibilité d’évoluer ». Mais aujourd’hui, l’attrait n’est plus le même. Le plan social d’ArcelorMittal risque de décourager des jeunes qui avaient pour projet de s’orienter vers l’industrie.

La famille d’Achraf Dabach fait partie de celles qui se sont installées à l’Albeck lors de l’implantation d’Usinor au XXe siècle

Le Medef (Mouvement des entreprises de France), de son côté, invite à prendre du recul. “Ce n’est pas ArcelorMittal qui a décidé de ralentir la production par confort”, estime son délégué général Côte-d’Opale, Franck Helias. Si le groupe produit moins d’acier, c’est parce qu’il a moins de commandes. L’industrie automobile et le bâtiment sont en crise : Arcelor en subit les conséquences. »

“Horaires de dingue” et métiers “sales”

À l’Albeck, certaines barres d’immeubles subsistent encore, d’autres ont été démolies dans le cadre du Programme National de Rénovation Urbaine (PNRU). Ce quartier est aujourd’hui aéré, avec aussi des petites maisons mitoyennes. Comme celle des parents d’Achraf, à proximité de l’espace jeunes du quartier. Son père en a été le directeur pendant plus de 20 ans. La famille Dabach est toujours restée dans l’Albeck, mais l’héritage ouvrier des grands-parents n’a pas perduré. Travailler dans l’industrie ? « Jamais de la vie, impossible » s’étrangle Achraf. Il argumente avec l’exemple d’ArcelorMittal : « Près des hauts fourneaux, tu travailles pendant huit heures à côté de trucs qui sont à 1000°C. Tu rentres chez toi, t’es tout noir, à cause de la fumée, des gaz. »

Ce n’est pas Léo Blondel, lycéen de 17 ans, qui va le contredire. Lui hésite entre la politique et le journalisme, bien loin des cheminées des usines. Il a toujours vécu à l’Albeck, dans la résidence Versailles. Cette barre d’immeubles en brique rouge, de cinq petits étages, s’étend tout le long du boulevard des Flandres. Dans la famille de Léo, personne ne travaille dans l’industrie. L’adolescent admet avoir eu les mêmes stéréotypes que tout le monde. « Quand tu me parlais d’usine, moi j’avais la vision du travail à la chaîne comme à l’époque, s’amuse-t-il. J’avais aussi l’image de la personne qui travaille en col bleu, assez sale, et qui fait des horaires de dingue. » 

Le jeune Grand-Synthois, à la veste rose et au large sourire, parle au passé. L’été dernier, il a pu visiter une usine de l’intérieur pendant une semaine. Sa classe de seconde a remporté un concours organisé par l’entreprise Dillinger – elle produit des tôles en acier à Grande-Synthe – avec, à la clé, un stage en immersion sur son site de production. « Ça m’a un peu ouvert les yeux, reconnaît Léo. Je me suis rendu compte que c’était des métiers beaucoup moins pénibles que ce que j’imaginais, car c’est beaucoup plus automatisé maintenant. »

Né à l’Albeck, Léo Blondel n’a jamais envisagé de s’orienter vers les métiers de l’industrie

Ouvrir leurs usines au public, cela fait partie de la stratégie des entreprises industrielles pour attirer de nouveau les jeunes Grand-Synthois. L’enjeu est de taille : lors d’une visite à Dunkerque le 12 mai 2023, Emmanuel Macron annonçait que 20 000 emplois seraient créés dans le Dunkerquois d’ici 2030. Les métiers les plus recherchés ? Chaudronnier, soudeur, électromécanicien… Autant de professions qui connaissent aujourd’hui une véritable pénurie de main-d’œuvre, au grand dam des nouvelles sociétés  qui viennent s’installer près de Dunkerque, comme Verkor ou H2V (hydrogène vert).

Certaines, déjà implantées, cherchent aussi à augmenter leurs effectifs pour lancer de nouveaux projets. La fonderie Aluminium Dunkerque, l’un des leaders européens dans la fabrication d’aluminium primaire, veut améliorer sa technologie de capture du carbone d’ici à 2030. 100 postes sont à pourvoir. Pour attirer les candidats, l’entreprise propose régulièrement des visites de son site à Loon-Plage. Par groupe de dix au maximum, les jeunes découvrent le quotidien des salariés de l’entreprise, encadrés par un guide. « C’est une vraie plongée dans le réel pour eux », se réjouit Anne Boudeweel, coordinatrice du recrutement chez Aluminium. 

Former autrement pour répondre aux besoins des entreprises

Mais encore faut-il que ces jeunes soient informés de l’existence de ces visites. « Je n’en ai jamais entendu parler », affirme Noa,  17 ans. Ce fan inconditionnel de football, longiligne et aux cheveux bouclés, a grandi dans la plus haute tour du quartier de l’Albeck. La Résidence de Flandre, près de l’Atrium -un lieu regroupant la maison de quartier, la ludothèque ou encore le service des seniors- s’élève sur 10 étages. Elle est particulièrement reconnaissable par son mélange de briques brunes et bleues, et par le demi-cercle qui se dessine à son sommet. Si elle a longtemps accueilli une majorité d’ouvriers de l’industrie, c’est de moins en moins le cas aujourd’hui. Noa n’exclut pas de reprendre le flambeau, mais il regrette le manque de renseignements sur ces métiers.

Arnaud Stopin partage le constat du jeune homme. Il est le patron d’une petite entreprise familiale (10 salariés), Sotech, créée il y a 25 ans et spécialisée dans l’usinage. Pour lui, « l’effort le plus important doit être fait au niveau de l’Éducation nationale ». Il peste : « Cela fait 25 ans que les professeurs disent aux élèves qu’il faut travailler en col blanc et qu’ils dénigrent les fillières techniques !” Arnaud Stopin pointe également un décalage entre la formation reçue et les attentes du terrain. “Les stagiaires que nous recevons issus d’un baccalauréat professionnel n’ont pas le niveau requis.” Selon lui, ces formations sont souvent trop théoriques et ne répondent pas aux exigences actuelles du marché. « Beaucoup d’élèves manquent d’accompagnement pratique, ce qui fait qu’on perd plus de temps à les former qu’à les faire travailler efficacement », regrette-t-il.

C’est pour répondre à cette problématique qu’il a pris la présidence de Littoral Tech, une école de production créée par l’association “Entreprendre Ensemble” en 2022 – initiée par les collectivités territoriales pour garantir  un accompagnement vers l’emploi auprès de personnes au chômage et en décrochage scolaire. Privée, à but non lucratif et soutenue par l’État, l’école,  destinée à former les jeunes en CAP aux métiers de l’usinage à proximité de Sotech, bénéficie de l’appui de la Région et la Communauté urbaine de Dunkerque, ainsi que les fondations TotalEnergies ou encore EDF.

Plus de pratique, moins de théorie : les élèves fabriquent en équipe des pièces destinées aux industries du coin. Elles sont vendues au prix du marché et les entreprises partenaires y trouvent aussi un intérêt en matière de responsabilité sociétale (RSE). “Une manière de contribuer à la formation des jeunes”, précise Fabienne Bouchart, la directrice de l’établissement.“C’est complètement différent de ce que j’ai vécu au lycée professionnel Fernand-Léger à Coudekerque-Branche”, assure Selly Jannin, élève en première année à Littoral Tech, qui habite depuis dix ans à l’Albeck.

Là-bas, j’avais une après-midi par semaine en atelier. Ici, c’est tout l’inverse”, se réjouit-il. Sur les 35 heures de cours hebdomadaires réglementaires, deux tiers sont consacrés à la pratique. Il est entré cette année à Littoral Tech après avoir décroché un baccalauréat option technicien d’usinage (TU) à Fernand-Léger en 2021. Un retour en arrière assumé pour repartir sur de bonnes bases. Il prépare désormais un CAP “conducteur d’installations de production”, pour devenir ensuite chaudronnier.

À Littoral Tech, les élèves travaillent comme en entreprise et n’ont pas le droit à l’erreur.  Parmi les commandes en cours, figurent 3 000 pièces à envoyer avant juillet à NCA Géoloc, une entreprise voisine spécialisée dans la topographie. “La seule différence avec les fournisseurs classiques est que la production, réalisée par nos élèves, prend plus de temps”, précise Fabienne Bouchard. Selly, concentré, manipule avec soin le levier de la fraiseuse à trou sous le ronronnement incessant des machines.

Les 3 000 pièces produites par les élèves de Littoral Tech avant juillet serviront à vérifier la densité du sol pour une entreprise voisine

L’outil rotatif attaque la surface des pièces. « L’industrie a beaucoup évolué », commente-t-il, avant de remettre la pièce à Aaron, qui doit y ajouter un cône avec une précision parfaite au tour. “Elle est devenue moins pénible, moins sale qu’auparavant.” Vêtu d’un équipement noir floqué au nom de l’école et de lunettes de protection, il désigne fièrement son établi impeccable. Mais cette propreté, on ne la retrouve pas dans des plus grandes entreprises comme ArcelorMittal.

Areski Del Poso, Grand-Synthois de 27 ans, a travaillé pendant deux ans pour le géant de la sidérurgie, en tant qu’ingénieur automaticien. Il a effectué trois mois à temps plein sur site, près des hauts fourneaux, où il évoque des “montagnes de poussière”. “Les ouvriers qui bossaient là-bas, je les voyais arriver propres le matin et repartir tous noirs le soir”, ajoute celui qui a grandi dans le quartier prioritaire du Moulin. “C’était sûrement pire à l’époque, mais on est encore loin de l’industrie propre qu’on nous vante aujourd’hui”, certifie-t-il. ArcelorMittal s’est toutefois engagé dès 2023 dans un gigantesque projet de décarbonation. Le plan social annoncé laissait craindre un recul sur ce terrain, mais le groupe sidérurgique a finalement confirmé sa volonté d’investir 1,2 milliards d’euros sur son site de Grande-Synthe, pour construire un premier four électrique. Objectif : produire un acier décarboné.

Un héritage générationnel difficile à effacer

Les entreprises se montrent davantage, mais l’industrie peine toujours à séduire. À Littoral Tech, seuls sept élèves sont inscrits sur les douze attendus à chaque niveau de CAP. Deux jeunes originaires de Grande-Synthe ont d’ailleurs quitté la formation en fin d’année, en partie par manque de motivation pour l’un deux, selon la direction. Pour Fabienne Bouchart, “la plupart des parents aujourd’hui ne voient pas ces métiers comme des métiers porteurs, car ils ont eux-même vu leurs parents perdre leur emploi dans l’industrie”. Elle a en tête la fermeture des chantiers navals de Dunkerque en 1987 et les 3 500 emplois supprimés. Celle-ci a, selon elle, “marqué la mémoire collective pour très longtemps ici”.

A ce traumatisme, il faut aussi ajouter les plans sociaux d’envergure dans les années 1970 et 1980 chez Usinor, dans un contexte de crise de l’industrie sidérurgique européenne. “Cette crise était liée à la fois à l’augmentation du prix de l’énergie et à l’apparition de nouveaux concurrents internationaux”, précise Blandine Laperche, professeure en sciences économiques à l’Université du Littoral-Côte d’Opale de Dunkerque. Entre 1975 et 1984, Usinor a supprimé 5000  emplois. “Quand vous avez eu votre père, votre grand-père qui a été victime de ce licenciement, vous avez forcément une image négative de l’industrie, argumente la chercheuse. “Et ce n’est pas les récentes décisions d’Arcelor qui vont arranger ça”, déplore-t-elle. 

Dans le quartier de l’Albeck, chaque habitant rencontré à l’Atrium a une anecdote à partager sur ArcelorMittal. “J’ai dit à mes enfants de ne jamais y travailler”, confie Nathalie Dubar, agente de développement social. La quinquagénaire aux cheveux blonds, le visage marqué par les années, évoque les nombreuses personnes qu’elle a vues succomber à cause de l’amiante. Elle s’empresse de décrocher son téléphone pour appeler ses collègues et appuyer ses propos. Comme si elle avait envie de montrer à quel point l’industrie a pesé à l’Albeck, et la vie de ses habitants. Elle met le haut-parleur.

– « Valérie, tes fils ont-ils travaillé dans l’industrie ? »

– « Non »

– « Pourquoi ? »

– « À cause de l’amiante. J’ai toujours dit à mes enfants que ces métiers les exposent à des risques qui n’en valaient pas la peine. Ils ont bien vu ce qui se passait à Arcelor et ils n’ont jamais voulu finir comme les anciens, à mourir dans l’indifférence », explique l’amie, d’une voix ferme, sans détour.

L’Atrium est un lieu de vie intergénérationnel situé au cœur de l’Albeck

L’amiante, classée cancérogène en 1977 par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), n’a été interdite en France que vingt ans plus tard. Un long délai pour ceux qui, pendant des décennies, ont inhalé à leur insu ces poussières mortelles. Elles servaient notamment dans les matériaux réfractaires utilisés dans la sidérurgie, pour isoler les fours, les tuyauteries ou encore les systèmes de chauffage à très haute température.

Non loin de là, au bar-tabac l’Hippodrome, les mains abîmées et les regards fatigués témoignent d’un long parcours dans l’industrie. Installé à proximité du comptoir, les yeux rivés sur l’écran diffusant une course hippique, André Bakria se souvient de ses quinze années passées dans les hauts fourneaux. « Je faisais face à des températures allant jusqu’à 18 000 degrés dans le four. J’avais l’impression de cuire sur place », se remémore-t-il, la voix tremblante. À 93 ans, cet ancien soldat de l’armée française a vu des collègues mourir dans les ateliers : quatre accidents mortels sur le site d’ArcelorMittal à Dunkerque entre 2012 et 2015. Aujourd’hui, il voit des compagnons de l’époque vivre une retraite bien plus difficile que la sienne.

C’est le cas de son ami Georges. Il commande un café et a du mal à tourner la tête. “Les années passées à porter des charges lourdes dans les hauts fourneaux ont fini par user mon corps”, explique-t-il, le souffle court. L’homme aux cheveux gris a travaillé toute sa carrière dans l’aciérie et souffre aujourd’hui de douleurs chroniques aux articulations, de problèmes de dos et de dégradations osseuses, ce qui l’oblige à consulter régulièrement son médecin. Impossible donc pour tous ces hommes de voir leurs enfants suivre leurs pas. “Je n’arrêtais pas de leur dire de travailler à l’école s’ils ne voulaient pas finir comme moi”, raconte Georges. Il a vu sa fille Myriam prendre une toute autre voie, celle d’éducatrice spécialisée.

Entre usines belges et centrale de Gravelines

Certaines de ses amies ont choisi la Belgique. Car depuis Grande-Synthe, la frontière n’est qu’à quinze minutes de voiture. « Les salaires y sont bien plus élevés qu’en France » affirme Salima*, médiatrice sociale à la Maison de l’Initiative de Grande-Synthe. Elle-même a travaillé à la chaîne dans la zone industrielle belge de Furnes, où elle emballait des denrées alimentaires aux côtés de nombreux Français. “On se faisait jusqu’à 500€ par semaine. Et en plus, on touchait une prime avant les congés au mois de mai !” Cette prime de vacances s’ajoute aux nombreux avantages, comme un taux horaire plus élevé de 3 euros en Belgique. Mais s’arrêter à ce taux est une erreur selon Pauline Fackeure, qui gère l’agence d’intérim Samen, à Grande-Synthe. “Je le constate dans mes échanges avec les jeunes. Ils négligent les taxes et impôts, bien plus élevés qu’en France. »

En fin d’après-midi, près de l’Hippodrome, le public se rajeunit largement. Des dizaines d’adolescents traînent devant le bar, accoudés aux voitures garées sur le parking. Ils échangent des blagues et écoutent du rap. Parmi eux, Yanis, 21 ans. Après avoir obtenu son bac STMG (sciences et technologies du management et de la gestion) au lycée du Noordover, il a arrêté ses études. Le début d’une longue traversée du désert. Pendant deux ans, il est resté chez lui, inactif : “J’enchaînais les parties de jeux vidéo et j’avoue, je ne faisais rien pour trouver du travail”. C’est seulement en janvier dernier qu’il s’est décidé à passer son habilitation nucléaire, “pour pouvoir bosser à la centrale.” Celle de Gravelines est la plus importante d’Europe, après Zaporijia, et emploie plusieurs jeunes de l’Albeck qui, comme Yanis, n’ont pas été au-delà du baccalauréat. La construction de deux réacteurs nucléaires nouvelle génération (EPR2), prévue à l’horizon 2038, pourrait mobiliser plus de 9000 personnes : jusqu’à 8200 pour la phase chantier, puis environ 1000 travailleurs pour les faire tourner.

Un projet motivant, une vraie opportunité d’évoluer chez EDF, surtout à une époque où d’autres groupes, comme Arcelor, annoncent des suppressions de postes”, justifie Yanis. “Quand Arcelor réduit ses effectifs, c’est l’affaire de tous. Mais dans le bâtiment, le transport ou le textile, combien de PME ferment leurs portes dans l’indifférence générale ?”, réagit le Medef. « Il faut arrêter de tout mettre sur le dos de l’industrie ! », conclut son représentant Côte d’Opale Franck Helias.

Titouan Mignot & Victor Girerd