Ancienne cité HLM ouvrière, la résidence Beethoven fatigue. Ses habitants ne se renouvellent pas, par manque de perspectives d’emploi. Entre ses murs, n’y demeurent plus que les épouses des travailleurs décédés, qui vieillissent en silence.
La résidence Beethoven n’est plus que l’ombre d’elle-même, dans le quartier Mont-Soleil. Délavés, usés, ses pâles murs bleus endurent l’air marin depuis plus de quarante-cinq ans. Construite dans les années 80, la cité de béton accueillait les ouvriers de la scierie d’Outreau, quand ils ont été transférés de leurs préfabriqués d’après-guerre. Aujourd’hui, il ne reste plus que leurs veuves. Isolées, elles y vieillissent au rythme d’un quartier usé.
Elles sont confinées là où elles ont construit leur vie, à Beethoven. « J’habite ici depuis 44 ans et je vais finir ici », s’afflige Geneviève, âgée de 88 ans. Elle conte son enfance outreloise : « Quand j’étais jeune, il y avait de la vie à Outreau ! » L’animation des quartiers, les industries locales vivifiées par la criée boulonnaise et l’aciérie. Puis, la fermeture des usines, l’affaire dite « d’Outreau » et la perte des emplois au port de Boulogne ont changé le tempo de la ville. Le quartier a vieilli, s’est replié sur lui-même. Le maire socialiste, Sébastien Chochois, constate : « Nous n’arrivons pas à parler à ces personnes âgées, seules. » Comme d’autres, Beethoven incarne le vieillissement des quartiers prioritaires de la ville (QPV). Ici, la part des personnes âgées de plus de 60 ans est en hausse depuis plus de 30 ans, pas les autres tranches d’âge.
Le silence de Beethoven
Recluse à la lisière de la ville, l’ancienne résidence ouvrière tutoie les charmants lotissements du Portel, station balnéaire émergente. Comme ses habitants, Beethoven est écarté du reste de la ville. Clouée sur la falaise d’Outreau et adossée à la colline du Mont-Soleil, la résidence fait face à la mer, au loin. Sans pouvoir toutefois l’atteindre, ni la respirer. Seule trace d’elle, le fumet des conserveries de pêche qui rôde dans le lotissement.
Pour rejoindre la place de la Mairie, la marche le long de la départementale sur plus d’un kilomètre est épineuse. Sans permis de conduire, sortir des murs de Beethoven est une épreuve pour les seniors. Geneviève y a vécu sa première et seconde vieillesse, au cinquième étage. « Quand j’ai perdu ma première fille puis mon mari, j’ai cru me retrouver toute seule », se rappelle-t-elle. Avec sa maladie, l’isolement devient son quotidien. Elle n’est pas la seule : Josiane, Brigitte, Valérie… Toutes y sont confrontées. Dans le quartier, près de 90 % des personnes seules sont des femmes âgées et 41 % de sa population vit sous le seuil de pauvreté.
Outreloises depuis toujours, elles n’ont jamais connu une autre vie que celle de la banlieue boulonnaise et déplorent sa transformation : « On aimerait bien avoir des jeunes qui viennent nous aider », gronde Brigitte, résidente au dernier étage. Chaque année, de plus en plus de « jeunes » de moins de 40 ans quittent la ville, faute de perspectives : « Nous sommes la ville la plus jeune de l’agglomération, mais celle qui vieillit le plus vite ! », tique Sébastien Chochois, maire depuis 2020. « Il est vrai que notre pyramide des âges devient problématique. Il y a de plus en plus de très jeunes et de très vieux : les actifs s’en vont », appuie Loïc Juda, directeur du centre social et culturel Jacques-Brel, proche de la cité. « On a peut-être quatre enfants, au maximum, dans toute la résidence », estime Brigitte, retraitée de 68 ans.
« Vous serez mon seul échange de la journée », Josiane, 77 ans
Seules quelques usines, comme la fonderie Vossloh et ses plus de deux cent salariés, perdurent encore aujourd’hui dans la ville. Un tiers des jeunes Outrelois est au chômage, la ville a perdu près de la moitié de ses emplois industriels en 40 ans. Une situation qui a fini par décourager les jeunes actifs : « Mes deux enfants sont partis il y a quelques années dans le centre de la France. Et je n’ai plus de frères, ni de sœurs », souffle Françoise, une retraitée octogénaire. Ces trente dernières années, Outreau a perdu près de 15 % de sa population, soit plus de 2 000 habitants.
« C’est malheureux d’avoir cinq enfants et aucun pour s’occuper de soi », rumine Chantal, une grand-mère du quartier. Depuis quelques semaines, elle veille sur Émilienne, 88 ans, l’une des doyennes du Mont-Soleil. Seule dans son baraquement, elle se sent abandonnée. Paralysée d’une jambe depuis quatre mois, Émilienne ne sort plus de chez elle, faute d’accès facile à l’extérieur. « C’est terrible. Avant, les jeunes étaient bien plus présents pour aider leurs aînés », ajoute Françoise.
En France, le cas d’Émilienne n’est pas isolé. L’association Les Petits Frères des Pauvres estime que plus de 500 000 personnes âgées sont en situation de « mort sociale » : sans, ou quasiment sans contact. « Vous serez sûrement mon seul échange de la journée », confirme Josiane, avant de refermer la porte d’entrée de l’immeuble. Fatiguée mais sur pied, elle conclut son aventure du jour : descendre par l’ascenseur ses sacs-poubelles, remplis de la semaine, au pied du hall d’entrée. « Heureusement que je ne trie pas tout, j’ai le dos cassé ! », s’esclaffe-t-elle en repassant une dernière fois sa tête par la porte vitrée.
Sortir de sa « cage », un luxe pour les seniors
« Si je ne sors pas de ma cage, je deviens fou », ricane Daniel, 76 ans. Après la mort de sa femme, il a refusé de baisser les bras. Armé de sa pelle verte, il est le « boss » de l’ancien jardin ouvrier de la résidence Beethoven, reconverti en potager partagé. Construit par Paulo, un ancien habitant depuis décédé, Daniel a repris le flambeau depuis plus d’une décennie. L’un des rares hommes du coin, coiffé d’une tignasse blanche. Cabane, récupération d’eau et petite serre, tout sert de prétexte pour qu’il mène à bien sa passion du bricolage.
Le jardin s’est mué en place publique : orné de fleurs par Valérie, animé par Viviane et cultivé par Daniel, le potager est devenu une bonne excuse pour se motiver à prendre le thé. Depuis la parcelle dédiée aux laitues, la Manche pointe le bout de son nez, à quelques kilomètres : « On a une belle vue ! » se félicite Daniel. En haut de la route détériorée, le jardin est un petit paradis, rythmé par les bavardages et les pépiements d’oiseaux, enclavé dans le silence de Beethoven.
« Ici, les gens ont déjà beaucoup de mal à ouvrir la porte… Alors pour descendre… », grince Brigitte, escortée par son chihuahua dans le terne hall d’entrée. Pour réunir des adhérents, les membres du jardin avaient essayé le porte-à-porte : inutile, personne n’ouvre. « On ne veut pas se mêler de la vie des autres, ni qu’ils se mêlent de la nôtre ! », assume Geneviève du cinquième. Quelques échanges demeurent tout de même avec ses voisins les plus proches, des connaissances depuis plus de 40 ans.
L’accès aux soins : une bataille au quotidien
Geneviève ne s’aère plus. Depuis de longs mois, elle souffre trop : « Je ne suis pas sortie de chez moi depuis que j’ai mon zona, il y a un an », confesse-t-elle. « Par peur ou par résignation, les gens cessent de sortir », assure Hélène Godec, directrice du CCAS (Centre communal d’action sociale) d’Outreau. À un certain âge, un laisser-aller s’installe avec la précarité. « Pour ces populations, l’accès aux soins demande du temps et une grande patience », développe-t-elle. Pour instaurer une relation de confiance, c’est tout un périple. Souvent, ils annulent plusieurs rendez-vous avant d’arriver à une réelle prise en charge médicale. « La plupart de ces seniors n’ont pas conscience qu’ils ont besoin de se soigner », déplore la directrice.
S’ajoute l’absence de médecin. « En avoir un, c’est galère. Le mien est parti à la retraite il y a 18 mois. J’ai tout essayé, mais au bout d’un moment, je me suis dit : tant pis, on ne se soigne plus », partage Josiane, 77 ans. Arrivée à Outreau à l’âge de sept ans, elle a posé ses valises à Beethoven dans les années 80. Emmitouflée sous sa doudoune bleue, elle raconte sa première rencontre avec son médecin traitant : « Vous avez quel âge ? Il m’a répondu 65 ans. Là, je me suis dit “Merde, dans deux ans, je vais devoir tout recommencer”. »
La chasse au médecin traitant fait partie de sa vie. Pour les autres seniors également. Même le CCAS peine à leur en trouver. Sans compter le pistage des rares spécialistes médicaux : « En cas de prise en charge d’urgence, on est obligé parfois de rester sur le généraliste avant d’aller en profondeur », regrette Hélène Godec. Malgré tout, Josiane ne baisse pas les bras : « Pour le peu qu’il nous reste à vivre, on fera avec. »
Pour pallier ces difficultés, des dispositifs expérimentaux comme la Maison de Santé Participative (MSP) à Mont Soleil, offrent une lueur d’espoir. Avec ses moyens, elle tente de réintégrer dans un parcours de soin celles et ceux issus des quartiers populaires les plus éloignés. « Ce sont des actions “d’aller-vers” pour aller à la rencontre des personnes qui n’accèdent pas spontanément aux soins », détaille Hélène Godec.
Mais malgré ces efforts, « pour tout ce qui dépasse les soins généraux, les obstacles financiers peuvent rendre cet accès presque impossible », ajoute-t-elle. Exemple, les suivis psychologiques sont difficiles en raison de leur coût élevé : 50 euros par séance, non remboursés par la Sécurité sociale si le professionnel n’est pas conventionné. « Amener un senior une fois par semaine chez le psychologue est purement utopique », concède Hélène Godec.
Aider « avec douceur et lumière »
À 62 ans, Sandrine, habitante de Beethoven, a eu du mal à se remettre de sa profonde dépression : la pandémie de Covid a laissé des traces. « Elle ne sortait plus et s’était renfermée sur elle-même. Lui venir en aide était devenu une nécessité », raconte Viviane, 55 ans, présidente de l’association de quartier L’Ami Sol. Le jardin partagé est devenu un lieu de renaissance pour Sandrine.
« L’image de soi dégradée peut enfermer les seniors dans un profond isolement », s’inquiète Hélène Godec. Être diminué, fatigué ou encore perdre ses dents et ses cheveux : des barrières qui deviennent insurmontables pour ces personnes âgées déjà fragilisées. « Toutes les deux semaines, j’emmène une vieille dame chez le coiffeur. Ça lui permet de se sentir un peu plus belle. Ça lui redonne confiance », raconte David, employé au centre social.
Le CCAS tente de les accompagner pour vieillir dans la dignité. Il a mis en place des initiatives comme des ateliers d’art-thérapie où des seniors qui souffrent peuvent s’exprimer, extérioriser leurs émotions : « Ça pleure, ça parle, ça ressort des choses. Mais si cela chamboule trop, les participants peuvent choisir de ne pas revenir », explique un responsable. Même si le centre social parvient à repérer « seulement 1 % des seniors qui en ont besoin », ces thérapies redonnent confiance aux participants.
« Le deuil est souvent présent dans les séances », précise Alexandra Gervois, art-thérapeute pour les seniors. Certaines ont perdu leur mari. D’autres leurs enfants. Dans ses ateliers, qui se tiennent au foyer-restaurant Les Acacias, au pied de la butte du Mont Soleil, les femmes sont majoritaires. « Une séance pourrait commencer par la sculpture d’un visage en argile représentant la tristesse, illustre-t-elle. À travers ce processus, nous transformons cette tristesse en quelque chose de plus léger, plus facile à accepter. Ici, on ne soigne pas simplement les blessures invisibles. On réécrit les chapitres de vie avec douceur et lumière. »
La précarité entre les murs
Au sein de Beethoven, Josette Marlot tente de colmater les brèches. Ancienne gardienne et présidente d’association, elle porte derrière elle 40 ans de dévotion pour la ville. À 70 ans, elle vit ses derniers mois à la mairie d’Outreau après des décennies de loyaux services. Hyperactive, elle aide ses voisins du palier et du premier étage : « Je leur prends des bouteilles d’eau ou ce que leurs enfants leur apportent d’habitude. Ça ne me coûte rien de ramener des courses supplémentaires avec les miennes », sourit l’élue.
« Dans la résidence, ce sont des petites retraites. Les gens n’ont pas les moyens », assure Viviane, la présidente de l’Ami Sol. Situé dans le Pas-de-Calais, Outreau n’a pas été épargné par la désindustrialisation et le montant des retraites va de pair : la pension moyenne est inférieure à 1300 € brut dans le département, l’une des tranches les plus basses sur le territoire national. « Parfois, on assiste à des scènes difficiles. Une de mes voisines, une grand-mère, doit faire les poubelles pour espérer trouver des jouets pour ses petits-enfants », confesse Viviane.

Dans la cité, Josette Marlot confie souffrir l’hiver. Pas entretenus et gorgés d’humidité, les murs sont perméables : « Cela ne doit pas être dans les tuyaux d’isoler le bâtiment », fulmine-t-elle. Le froid et l’eau laissent des marques verdâtres sur le bâtiment. Une rengaine pour les veuves bavardes de la résidence : un constat reconnu par le bailleur social Pas-de-Calais Habitat qui promet des travaux depuis l’an passé. « Je connais des mamies qui n’arrivent plus à payer leur chauffage l’hiver », enchérit Josette. La bâtisse usée de Beethoven ne contient plus le froid.
La précarité énergétique s’impose comme une « double peine » pour les personnes âgées. « On paye le chauffage dans le vide à cause de la mauvaise isolation », s’alarme Viviane Chevalier. Pour son appartement qu’elle partage avec son fils, elle paye 495 € : « C’est modeste, même pour un logement social ». Cependant, elle s’insurge des 252 € de charges supplémentaires pour le gaz et l’électricité, sans compter les assurances : « Plus de la moitié de mon loyer ! » peste-t-elle.
Dans son dernier rapport, l’association d’aide aux personnes âgées Les Petits Frères des Pauvres précise que l’énergie est le poste de dépense qui inquiète le plus les bénéficiaires : non seulement les prix ne cessent de flamber, mais le fait de vivre dans des passoires énergétiques les contraint à devoir littéralement « jeter leur argent par les fenêtres », selon des enquêtés.
Une question financière prise en compte par le service d’aide à domicile du centre social. En fonction des revenus du bénéficiaire, une participation financière échelonnée est demandée et aucun frais de dossier n’est nécessaire. Faire appel à des agences privées est souvent trop coûteux. L’agence O2 d’aide à la personne accompagne deux personnes âgées dans la commune pour des tarifs allant jusqu’à 36,80 € de l’heure sans avantage fiscal.
Mais par manque de moyens ou par peur de dépenser, certains n’osent pas demander l’aide dont ils ont vraiment besoin. « On est aussi là pour leur faire prendre conscience qu’ils ont travaillé toute leur vie pour constituer une épargne. Et ça fait sens, au moment de la perte d’autonomie, qu’ils utilisent cet argent pour eux-mêmes. Mais ça, ils ont du mal à le concevoir », note Hélène Godec.
Quand la honte prend le dessus
Viviane Chevalier, elle aussi, « fait ce qu’elle peut » pour aider ses voisins de la résidence. Avec son association de quartier L’Ami sol, elle doit faire face à des refus. « J’ai essayé d’aider ma voisine, qui a 84 ans et n’y voit plus très clair. Je lui ai dit de contacter le CCAS, mais elle est tenace. Elle ne veut pas qu’on l’aide », avance-t-elle. Vieillir et voir que l’on n’est plus capable de faire certaines choses est une réalité difficile à accepter. « Nous, on sera pareil », glisse Viviane.
Une réalité observée à l’Épi-Soleil, l’épicerie sociale de la commune. L’offre est à prix réduit. « Sur un achat de 45 €, le bénéficiaire ne paye que 4,50 € », précise David, co-gérant de l’épicerie. Le magasin est ouvert deux fois par semaine et accueille 65 ménages en difficulté, dont des seniors. Mais pour certains, franchir la porte de cette structure est une véritable épreuve. « Ils ont honte du regard des autres », note Véronique, co-gérante de l’épicerie.

Pourtant, l’impact positif est là. Pour les bénéficiaires, l’atelier culinaire obligatoire deux fois par trimestre crée du lien tout en étant l’occasion de repartir avec un bon plat. D’autres séances de cuisine, en nombre limité à huit et à participation libre, sont aussi organisées dans la cuisine pédagogique, située dans le sous-sol de l’épicerie. Un moyen pour les participants de découvrir de nouvelles recettes et de renforcer le lien social.
Un repli sur soi-même noté par Hélène Godec, la directrice du CCAS. Elle le décrit ainsi : « Je me mets à l’écart de tout le monde, je ne veux plus voir personne. Je rentre dans un système où je m’enferme. » Le service d’aide à domicile proposé par le centre social a repéré les seniors les plus isolés et dépendants de cet accompagnement. Ils sont entre 20 et 22 à Outreau.
Le numérique, un monde à part
Rompre ce repli sur soi est un défi dont Viviane Chevalier s’est emparée. Elle habite l’un des six appartements du deuxième étage de la résidence avec son fils Léo de 18 ans. La présidente de L’Ami Sol s’occupe, entre autres, de l’animation des jardins partagés et persévère à inclure les plus vulnérables et les plus isolées. Et elle ne manque jamais d’initiatives pour aider les résidents. « Je me bats avec la mairie et le Département pour avoir des aides pour financer le local », affirme-t-elle. Ce « local » est en fait une cabane qu’elle veut construire dans le jardin partagé pour accompagner les seniors en difficulté. Ils pourront y effectuer leurs démarches administratives, car l’isolement passe aussi par la fracture numérique. Tant qu’à faire, elle y prévoit aussi des toilettes sèches.
« C’est plus le même monde », lance Geneviève qui occupe l’appartement 36. Ordinateur, tablette ou même smartphone, elle n’en a aucun. Ce décrochage numérique, les aînés sont 3,6 millions à le vivre en France selon les chiffres de l’association Les Petits Frères des Pauvres. « On leur parle chinois, lâche Alix Faure, conseillère France Service du centre social du Portel. Nos aînés sont exclus depuis que tout est dématérialisé et qu’il n’y a plus d’intermédiaire physique. » France Service est un dispositif d’Etat intégralement consacré à l’accompagnement aux démarches administratives comme les demandes de retraites ou les services d’impôts. Une grande partie du public qu’elle accompagne est composée de femmes : « Ce sont souvent elles qui s’occupent des tâches administratives. » Le service connaît une demande en forte augmentation depuis sa création en 2022. Il touche plusieurs communes boulonnaises, dont Outreau qui représente la deuxième population qui le fréquente.
Une aide qui a émergé pour éviter que les gens ne renoncent à leurs droits à cause de la dématérialisation des démarches administratives. « Plus on est en précarité, plus on est sollicité par l’administration pour des allocations ou d’autres droits divers. Et comme tout a été dématérialisé, ce sont ces populations-là qui souffrent le plus de la fracture numérique avec souvent un niveau d’éducation qui est plus faible », abonde Sophie Ragot, responsable territoriale Emmaüs Connect Pas-de-Calais. Cette association travaille en lien avec les centres sociaux afin d’engager des actions d’inclusion numérique. Mais encore faut-il réussir à faire venir les seniors aux ateliers. Pour eux, le numérique est souvent synonyme de quelque chose d’ennuyeux lié aux démarches administratives. « C’est pas pour moi. Je demande à recevoir tous mes documents par courrier », confirme Sonia, retraitée et adhérente au centre social du Portel.
Josiane fait partie des exceptions qui confirment la règle. Ancienne employée de bureau, elle a assisté à l’arrivée d’Internet dans le quotidien des gens. « Quand j’ai pris ma retraite, Internet ça ne m’était pas inconnu », explique-t-elle. Son fils a tout de même insisté pour qu’elle achète un ordinateur chez elle. « Il m’a dit de mettre Internet tout de suite sinon, c’est foutu », ironise la retraitée. Bientôt, elle comme les autres pourront compter sur le local de Viviane. À Beethoven, l’entraide fait sens.

Par Théo Guimier, Aïssata Maïga et Laure Morineau.